«Vous ne paraissez pas votre âge…»

Quels sentiments montent en vous quand vous prêtez attention à votre âge aujourd’hui? Par exemple à l’occasion d’être pris-e en photo, ou quand on vous dit que vous avez l’air plus jeune que vous l’êtes?…
Avez-vous les yeux rivés sur votre âge, tenté-e de vous murmurer «…dommage, mes beaux jours sont derrière moi…»
Ou à l’inverse, ressentez-vous que votre âge vous donne quelque chose de particulier à savourer, qu’il a quelque chose à vous apprendre sur la vie encore, et qu’il vaut la peine de l’explorer comme un nouveau pays qu’on visite?…
Je vous propose en particulier deux sentiers pour regarder ça de plus près…

  Un contexte social qui nous y pousse

Vous ressentez peut-être la pression de votre culture sur la valeur de votre âge.
En Afrique on va vous honorer à mesure que vous prenez de l’âge, à l’ombre du baobab on va vous faire parler de votre expérience de la vie ou saluer votre sagesse.

Ici en Occident l’âge suscite d’autres interprétations moins réconfortantes. Nos publicités télévisées ou informatisées nous vantent tant et plus les produits qui cachent les rides et préservent l’apparence jeune. Quand nos médias nous parlent de la vie en résidence d’aînés, c’est bien souvent pour mettre le focus sur les problèmes de santé et d’autonomie, ou la charge sociale que représentent les pensionnaires.
Heureusement, il arrive qu’un reportage prenne une autre couleur  — par exemple qu’il donne la parole à des enfants suite à la venue d’aînés dans leur classe : alors, on pourrait entendre voler une mouche quand ils les entendent raconter leurs fredaines d’enfance et les aventures qui les ont marqués! Et vous, d’écouter ou de lire ça, tiens, vous sentez tout de suite votre énergie qui remonte.

Peut-on vivre en dehors d’un sentiment d’âge? Ou lorsque notre attention s’y ramène, ressentir spontanément quelque chose qui fait du bien?…
J’aimerais vous partager deux traits heureux de mon expérience à ce sujet.

Vivre hors d’âge

Arrivé à 75 ans ce printemps, je retrouve mes cheveux encore tout bruns au sortir de la douche. (Ça tranchait un peu, je dois dire, avec ma barbe que je découvrais toute blanche lors de mon séjour au Sahara, où je décidais de la laisser repousser !)
Je prends toujours autant de plaisir à m’asseoir par terre avec mes deux petits-enfants, pour découvrir ensemble un jeu ou un livre. Ou plaisir à surprendre des amis avec une blague candide qui en principe ne serait pas de mon âge.

Ces constats me font du bien. Ils ne sont pas étrangers, je pense, au fait que depuis des années j’ai décidé de fonctionner en dehors d’un sentiment d’âge. Décidé d’être jeune avec les jeunes, vieux avec des vieux. Ou simplement d’écouter ce que mon cœur me dit de la situation dans l’instant — car lui n’a pas d’âge, j’en suis certain. Ne dit-on pas qu’on a l’âge de son cœur?…

«J’ai l’âge dont j’ai de besoin»  (un collègue)

Par ailleurs, j’essaie d’être accueillant pour moi quand une valise me paraît plus lourde à porter qu’avant, quand lors d’un déménagement je laisse aux plus costauds de transporter une laveuse ou une armoire, ou quand dans une journée je dois me rendre au petit coin plus souvent qu’avant.

Oui l’âge me rattrape. Mais j’ai décidé d’y voir une bonne raison : il me rappelle que je suis ici pour expérimenter la vie dans la matière, et qu’alors chaque expérience, chaque âge, a son cadeau de saveurs et de croissance à me faire. Je me suis demandé: «De quoi mes 75 ans pourraient-ils être l’occasion?… De quel cadeau je me priverais si je passais à côté d’explorer ça?…»

Creuser par l’intérieur…

Ces années-ci mon cadeau est celui de l’intériorité. Doublé de la possibilité de partager avec vous mon expérience.
Moi qui ai toujours eu cette question en tête : «comment peut bien fonctionner la vie?…», je n’avais jamais compris autant qu’aujourd’hui ses rouages, sa dynamique, il me semble.

Cette compréhension me fait dire que la mort ne sera jamais que la fin d’un chapitre de mon livre de vie; et surtout pas la fin de mon histoire. Elle me fait dire même que je ne mourrai pas de si tôt, et que je serai toujours en sécurité au plus profond de moi, à l’échelle où je place aujourd’hui le sens de ce qui m’arrive. À la réflexion, je ne me suis jamais senti autant aimé par la vie, et sans doute jamais senti capable d’aimer autant. J’aimerais ne pas souffrir, c’est sûr; ne pas perdre ceux que j’aime, non plus. Mais j’ai la conviction que je vais un jour retrouver tous ceux que j’ai aimés un jour: seul le décor aura changé.

Trève de bavard’âge. J’espère vous avoir partagé de quoi vous apprivoiser à votre âge un peu plus encore, et du même coup l’émerveillement qui me gagne à entr’ouvrir toujours un peu plus la porte du sens.

Denis Breton

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *