«Je t’attendrai pour faire la fête»

Une allégorie sur l’aventure de naître.
Quel peut bien être le sens de la vie humaine?…  arrive tôt ou tard à se demander chacun de nous.  Y a-t-il un sens, le même pour tous, ou chacun a-t-il à se confectionner le sien, en autant qu’il y trouve l’envie de vivre?…  Voilà des questions qui se profilent dans L’ALLUMEUR DE RÉVERBERES, une section du Site Grandir. Ce texte en provient.

Vous et moi, notre investigation a quelque chose de la démarche d’un scientifique ou d’un détective: nous prenons nos héritages et les matériaux à portée de main pour en tirer des visions, des croyances, qui nous servent d’hypothèses pour comprendre l’ordre des choses, et c’est notre vie qui devient le laboratoire. Nous n’attendons pas d’avoir des réponses sûres pour avancer; il suffit qu’elles nous apparaissent plausibles, alors elles nous énergisent.

«Et moi, quelles réponses me donne mon propre laboratoire ?…» La question m’a épinglé. Je me suis passionné à nommer ce qui fait le sens à mes yeux. J’ai alors pris plaisir à imaginer une histoire capable d’en rassembler les morceaux. La voici:

 

Ça se passe dans le monde des âmes, au milieu d’un jardin somptueux. Une âme fait une longue promenade en compagnie d’un être resplendissant de lumière. À son contact, elle semble hors du temps, comme révélée à elle-même.

— Et puis !… As-tu réfléchi à notre projet?, demande l’être rayonnant. Sa voix prend un ton coquin, on y sent une infinie bonté.

— Tout à fait. Je me vois bientôt prête à m’incarner, répond l’âme. J’ai repéré un couple d’humains que j’aimerais bien avoir comme parents. Mon petit doigt me dit que ma naissance est pour bientôt. Je savoure déjà le voyage… Mais je ne te cache pas que j’ai eu aussi quelques frissons, par instants.

— Ah bon? reprend le sage. Que s’est-il donc passé? Renoncerais-tu a cette nouvelle expérience?

— Pas du tout ! Noble conseiller. Je reste fascinée par l’aventure qui s’annonce pour moi. Revêtir une peau d’humain… J’ai beau savoir que ce voyage va durer l’espace d’un éclair, vu d’ici je suis bien intriguée de savoir comment je jouerai le jeu… surtout quand ça va se compliquer!

— Ah ça, je te comprends, confirme le majestueux promeneur. Tu sais aujourd’hui qu’il va s’agir d’une sorte de théâtre; tu as même participé à choisir le scénario de départ. Mais devenu un être humain, ça ne sera plus pareil: tout te poussera à prendre la pièce au sérieux! C’est pourtant là toute la beauté du jeu: conquérir la certitude que tu es aimée par la vie et qu’elle a du sens, reconnaître que c’est toi qui crées tes chemins… Il te faudra sans cesse parier sur le meilleur, refuser de prendre pour des échecs les accidents de parcours, apprendre à lâcher prise sur ce qui échappe a ton contrôle. Et… beaucoup d’humour! Es-tu prête?…

Sais-tu que ton aventure va se résumer à une chose: apprivoiser l’amour, apprendre a le conjuguer comme un verbe à tous les temps. Car seul l’amour redonne vie, seul il aura le dernier mot. Tu finiras par savoir de l’intérieur qu’il est ta vraie nature, parce que nous sommes tous les branches d’un même arbre: le Grand rayonnant.

— Mais si a ma naissance j’oublie tout ce que je sais aujourd’hui: comment saurai-je alors ce que je suis venue faire sur Terre?

— Rassure-toi, reprend l’être de lumière. Ta plus grande soif te dira par où aller, aidée de ta plus grande force, poussée par ta plus grande blessure… Inconsciemment, tu chercheras a réunir ce que tes parents avaient chacun de meilleur, pour toi l’amener plus loin. Irrésistiblement tu chercheras à mener à l’air libre cet être magnifique que tu sais être au fond de toi, masqué par les apparences ou les égarements. Jusqu’à faire cadeau au monde de cette couleur qui manquait à son arc-en-ciel, et que toi seule peut lui offrir. En as-tu envie…

L’âme ne répond pas tout de suite. Son regard semble porter loin, comme en terre sacrée.

— …Oui, surement… oh, pardon! J’étais encore à réfléchir, séduite de voir comment fonctionne la vie : Tu m’accompagnes pas a pas pour préparer ce voyage, et pourtant je me sens une telle liberté… Quant aux humains, je les vois lancés dans une aventure étonnante: ils se démènent pour trouver le bonheur, sans réaliser pendant ce temps qu’ils apprennent à être… qui ils sont déjà. Pendant qu’ils font l’expérience des formes que prend la vie, ils ne voient pas qu’ils font en même temps avancer le monde…

— Tu dis vrai… mais tu n’as pas tout dit. C’est aussi à force de prendre à coeur ce monde qu’ils finissent par se donner la permission du bonheur. Et là, le cycle de la vie est complet.

A nouveau un long silence, paisible… Puis l’expression de l’âme change de façon inattendue:

— Mais… tous ces gens qui souffrent?…

— Ah, il y a ça aussi. Aux yeux d’un humain, quel mystère que la souffrance… Là aussi tu feras des découvertes étonnantes: tu verras qu’à en chercher le sens, déjà tu apprivoises la douleur; qu’à refuser la peur, mais en nommant le désir qu’elle te cache, tu souffres déjà moins. Il ne sera pas nécessaire d’avoir mal pour apprendre. Mais si la souffrance est là, souvent c’est que tu te seras fait mal en t’éloignant de toi-même ou des courants naturels de la vie. Alors la douleur t’enseignera. Même alors, c’est souvent au creux des défis, et même des blessures, que tu parviendras à nommer le cadeau, te surprenant à dire merci à la vie. Toujours tu pourras transformer une épreuve en compost pour de nouvelles semences.

L’âme boit ses paroles, séduite. Un reste de perplexité, pourtant, l’habite encore:

— Explique-moi une chose, Esprit de lumière. Moi aussi je connaîtrai les revers: comment croire au milieu des turbulences que l’insécurité de la vie n’est qu’apparente?

— Cette question tenaille tous les humains. Ton coeur, mieux que ton cerveau, saura te chuchoter les réponses. Tu gagneras en sécurité quand tu feras le tri dans les sagesses d’hier et d’aujourd’hui, que tu feras vivre le meilleur de ce que tu sais de toi-même, bannissant reproches et jugements. Quand tu observeras la nature ou feras de l’enfant ton maître. Et encore, lorsque tu donneras ce que tu souhaites recevoir… Car tes chemins vers un sentiment de sécurité seront les chemins qui mènent a ta nature profonde.

Ce qui se passera alors? Tu entreras en plus haute conscience. Celle-ci fera grandir ta joie et ta capacité de t’émerveiller, au-delà de ce que tu aurais cru possible. Alors tu sauras du fond de toi que oui, la vie prend soin, quoi qu’il arrive, quoi qu’il paraisse.

Bien des humains dédaigneront d’écouter au dedans, confiant leur sécurité au savoir ou au pouvoir, à l’image ou à l’argent. Ils chercheront a réussir dans la vie, échappant de réussir leur vie. D’autres rendez-vous leur viendront, jusqu’à ce que…

— …jusqu’a ce qu’ils aient compris, sans doute, complète l’âme.

Mais une question lui brûle encore les lèvres. Elle reprend :

— A quel moment un humain saura-t-il que la fin de son aventure approche, Noble conseiller?

— Ne crains rien. De l’intérieur ta petite voix sera bien assez puissante pour te guider, car c’est la Mienne. Elle saura te rassurer même au creux des pires tempêtes, celles de la mer ou celles de tes émotions. Peu a peu, ta soif de te réunir à Moi prendra l’apparence d’une fatigue de vivre. Autour de toi on croira que tu t’éteins. Toi, du dedans, sauras que tu t’allumes. Tu sentiras ton enveloppe de chair trop lourde pour le voyage, telle une chenille qui se sait papillon. La mort ne sera rien d’autre: changer de véhicule sur le parcours…

… au bout duquel Moi, je t’attendrai pour faire la fête.

Joue le jeu! Je suis avec toi toujours, puisque Je t’aime.

Proposé par Christophe Élie

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