Redonner sa noblesse à l’animisme des Premières nations

Dans son magnifique livre Le peuple rieur *, où il nous fait connaître les Innus du Québec par l’intérieur, l’anthropologue Serge Bouchard commente le choc des deux visions de la vie, chrétienne et autochtone, à l’aube de la Nouvelle France :

  L’animisme revisité

«Chacune avait sa dramaturgie, ce sont deux grandes traditions spirituelles qui se rencontraient.
Mais les Européens ne voyaient pas les choses de cette façon. Certains de leur vérité, ils montrèrent peu de respect envers les croyances des premiers occupants — ils ne considéreraient d’ailleurs jamais l’animisme comme une religion.

Et pourtant. L’animisme fut peut-être la première religion du genre humain. De l’Océanie à la Mongolie, de l’Afrique à l’Europe préchrétienne, les Anciens ont toujours cru à une force universelle qui animait toutes les manifestations de la vie et de la matière. Cette force bénéfique – Tshitshe-Manitu chez les Algonquiens — liait l’humain à la moindre parcelle d’existence en une sorte d’harmonie, de solidarité absolue entre tous les éléments de l’univers.» (p. 152)

L’intensité des rapports entretenus avec les esprits

Plus tard, Bouchard illustre cette spiritualité innue à travers les makushan, «…ces ”festins-à-tout-manger où, après un immense banquet, tout le monde chantait et dansait au rythme des tambours.
C’était la plus grande fête, la plus importante manifestation collective que vivaient les communautés. Traditionnellement, on honorait l’ours, quoique le caribou eût pu aussi être célébré.
Dans ces festins, il fallait que tout, absolument tout soit mangé. L’animal s’était donné à la famille, il l’avait logée, nourrie, gardée au chaud, c’était la moindre des choses que d’en disposer avec reconnaissance.
Enlever sa peau, le dépecer, recueillir sa graisse, le partager, le manger, chaque geste se vivait dans une authentique communion. Il fallait ingérer la force de l’animal jusqu’au dernier quartier de viande, jusqu’à la dernière cuillerée de gras; c’était le devoir des bons Innus d’agir ainsi, un acte qui assurait à la communauté la protection du monde d’en haut. L’esprit de l’ours serait content de ce festin (…)» (p. 171)

À l’heure où…

Par bonheur, les peuples autochtones ont entrepris de retrouver leur juste place dans le concert des nations.
À l’heure de reconnaître que le Divin est tout ce qui existe, qu’il irrigue comme le sang la moindre parcelle de vie, les croyances ancestrales des autochtones arrivent à point nommé.
Elles vont aider le reste de l’Humanité à renouveler sa vision cosmique pour la suite du monde. Il nous tarde en effet de reconnaître l’interconnexion de tout ce qui vit, si nous voulons être capables de faire une place égale à tous les peuples dans la communauté humaine. …Jusqu’à pouvoir accueillir en amies d’autres civilisations pas si éloignées dans notre univers.

Denis Breton
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* Serge Bouchard, avec la collaboration de Marie-Christine Lévesque, Le Peuple rieur, Hommage à mes amis innus, Lux Éditeur, Montréal, 2017.

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