Notre langue parle de nous …et de la dynamique de la vie

La langue française a beaucoup voyagé, jusqu’à fleurir en terre d’Amérique il y a 400 ans. Elle s’y est refaçonnée pour dire les grands espaces, la vigueur des saisons, le courage des défricheurs, l’espoir en une religion,…
Elle parle aussi du défi de survivre et de se dire comme peuple distinct dans une mer anglophone, dont la langue est en train de devenir le dominateur — pardon, le dénominateur — de toute la planète.

Se peut-il que la façon façon dont nous parlons notre langue parle de notre compréhension de la vie ? Comment elle crée, à quelle dynamique obéit le changement, ce que notre expression dit de nous,…
S’il est vrai que dans la vie tout va du dedans vers le dehors, quelle relecture nous suggère notre usage de la langue ?…

→  Au Québec, ma terre natale, notre langue apparaît aujourd’hui girouette à tous les vents : considérée comme très créative, elle rencontre aussi de grosses poches d’air : des enseignants ne savent plus l’écrire, des jeunes chanteurs mélodient en fran-glais, des entreprises commercialisent en anglais,… Nous avons demandé à une loi, à des règles la protéger : légitime ! Mais nous en sommes venus à demander à ceux qui se joignent à nous de la respecter davantage que nous sommes prêts à le faire.

La façon dont nous habitons notre langue parle de nous, de nos sources de fierté …ou de notre peur de vivre.

Souverains, de l’intérieur d’abord

La souveraineté est la marque d’une personne, d’un peuple, conscient de sa valeur : elle est longtemps enfantée avant de s’inscrire dans des lois, jusqu’à devenir un nouveau nom de pays sur la carte.
Le voir à l’inverse, croire qu’une politique peut vitaliser la langue à notre place, c’est se méprendre sur la dynamique de la vie : elle est Une, elle utilise les mêmes modèles pour créer tout ce qu’elle crée …bien sûr, en respectant notre liberté.
Croire que l’extérieur, le monde, peut nous rendre heureux à notre place; ou l’accuser de ce qui nous rend malheureux, c’est sous-estimer notre pouvoir sur notre vie, c’est reporter le bonheur à plus tard. Vrai pour moi comme personne, vrai pour nous comme collectivité.

Un témoignage

Sous le titre « J’ai mal à ma langue » dans une opinion du lecteur, Kévyn Gagné conclut son propos par ces mots : « C’est à nous francophones, de faire découvrir et aimer notre langue, notre musique, notre littérature et notre culture, car si nous ne le faisons pas, personne ne le fera pour nous, sauf peut-être un système sempiternellement inefficace. » *

À titre de sociologue, Dieu sait si je partage ce point de vue depuis tellement d’années ! En même temps, si nous avons envie de faire virer le vent dans notre usage de la langue, il nous faut en trouver l’énergie quelque part, pour nous y mettre à substituer la fierté d’être à la culpabilité d’avoir peur.

C’est alors que me revient en tête cet hymne à la beauté de la langue, que nous offrent ici (suite à ma signature) Yves Duteil et Daniel Lavoie  : ‘La langue de chez nous’. Je vous laisse savourer ce bijou de chanson, avec ses paroles à la suite…

Denis Breton
___________
* « J’ai mal à ma langue », par Kévyn Gagné, directeur de ressources humaines à Montréal, Le Journal de Québec, 12 mai 2022. 

 

La langue de chez nous
Yves Duteil

1
C’est une langue belle avec des mots superbes
Qui porte son histoire à travers ses accents
Où l’on sent la musique et le parfum des herbes
Le fromage de chèvre et le pain de froment

Et du Mont-Saint-Michel jusqu’à la Contrescarpe
En écoutant parler les gens de ce pays
On dirait que le vent s’est pris dans une harpe
Et qu’il en a gardé toutes les harmonies

2
Dans cette langue belle aux couleurs de Provence
Où la saveur des choses est déjà dans les mots
C’est d’abord en parlant que la fête commence
Et l’on boit des paroles aussi bien que de l’eau

Les voix ressemblent aux cours des fleuves et des rivières
Elles répondent aux méandres, au vent dans les roseaux
Parfois même aux torrents qui charrient du tonnerre
En polissant les pierres sur le bord des ruisseaux

3
C’est une langue belle à l’autre bout du monde
Une bulle de France au nord d’un continent
Sertie dans un étau mais pourtant si féconde
Enfermée dans les glaces au sommet d’un volcan

Elle a jeté des ponts par-dessus l’Atlantique
Elle a quitté son nid pour un autre terroir
Et comme une hirondelle au printemps des musiques
Elle revient nous chanter ses peines et ses espoirs

Nous dire que là-bas dans ce pays de neige
Elle a fait face aux vents qui soufflent de partout,
Pour imposer ses mots jusque dans les collèges
Et qu’on y parle encore la langue de chez nous

4
C’est une langue belle à qui sait la défendre
Elle offre les trésors de richesses infinies
Les mots qui nous manquaient pour pouvoir nous comprendre
Et la force qu’il faut pour vivre en harmonie

Et de l’Île d’Orléans jusqu’à la Contrescarpe
En écoutant chanter les gens de ce pays
On dirait que le vent s’est pris dans une harpe
Et qu’il a composé toute une symphonie (Bis)

Ω

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