Témoigner de notre expérience, quand on parle de l’invisible

Il y a des mots qui ressemblent aux vêtements de notre enfance : certains, on ne les portait que le dimanche ou les jours de fête, puis on se changeait en habits de semaine, au retour.

Il y a quelque chose de ça dans nos échanges en quête de sens :  plus on creuse en profondeur, plus les mots deviennent symboliques — alors ils sont plus abstraits …jusqu’à paraître décrochés de la réalité ordinaire. Certains mots sont trop sacrés, d’autres trop sucrés. Avons-nous peur de prononcer certains mots qui parlent de notre expérience intérieure ?…

Je m’adresse particulièrement ici à celles et ceux qui éprouvent un mouvement naturel à échanger à propos de quête de sens. Je vous propose de m’accompagner dans cette réflexion méditative, et d’écouter dans quelle énergie ça vous laisse.

  Utilisez-vous spontanément lors d’une conversation des mots comme lumière, amour ou Dieu; des mots comme conscience, inspiration ou vibration,... ?
On peut s’exprimer sur la pointe des mots comme on avance dans le noir sur la pointe des pieds. Une pudeur nous retient de les prononcer à toutes les sauces, on ne les prononce pas avec n’importe qui.

Habiller l’Homme invisible

Un ouvreur de pistes spirituelles que j’apprécie énormément, Steve Beckow (1), a eu cette expression très parlante, qui pourrait s’appliquer ici :

Let me put clothes on the invisible
(voyons si on pourrait mettre des vêtements sur l’invisible)

Vous vous souvenez peut-être d’avoir savouré des films à suspens comme ceux qui mettaient en scène l’homme invisible. Insaisissable — à moins qu’on le surprenne quand il avait un vêtement sur le dos. Alors il devenait réel, on pouvait le localiser.

Quels vêtements mettre sur le dos de nos visions et de nos expériences en quête de sens, pour arriver à les rendre palpables, à les partager avec bonheur ?…
Est-ce l’affaire de choisir des mots qui font image au quotidien ? Sommes-nous condamnés à les habiller de périphrases, pour être sûr qu’ils parlent avec justesse de ce qu’on porte à l’intérieur ? …et par moments nous protéger de passer pour des extra-terrestres ?

Ce qui est sûr — d’après ma propre expérience et celle d’autres chercheurs de sens — c’est qu’on se retrouve quelquefois un peu triste : le meilleur de nous n’a pas pu être partagé, et même qu’on a eu l’impression d’avoir créé une distance avec l’autre alors qu’on souhaitait s’en rapprocher. On peut même s’en vouloir, de ne pas avoir osé exprimer notre vérité.

…À moins qu’on puisse parler du cœur au cœur

Il est plus facile d’avoir de tels échanges avec des gens qui nous connaissent et nous apprécient déjà tel que nous sommes. Et encore…

…Sinon avec des gens qui ont eux-mêmes cheminé en quête de sens, et vous écoutent plutôt que de chercher à vous mettre dans une catégorie.
Ces gens sont déjà préparés à vous écouter avec le cœur plus qu’avec la tête. Il y a des chances qu’ils ressentent ce que vous leur dites, plutôt que de l’analyser.
Ils sont avec vous dans ce que vous cherchez à exprimer. Il arrive même que vous commenciez une phrase, et qu’eux la finissent : vous sentez alors que leur vécu a des connivences avec le vôtre. Vous avez senti chez eux aussi une soif d’être.

Alors l’échange prend une saveur de fête intérieure :  ça devient la joie d’accéder ensemble à quelque chose de plus profond que de coutume. Que ça fait du bien de pouvoir laisser tomber les prudences, on n’a plus à se protéger : mystérieusement l’autre a senti ce qui vous fait vibrer, et même que ça le nourrit de vous écouter.

Est-ce de ça dont nous parlait le Petit prince de St-Exupéry, quand il disait « On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux » ?…

Un pas de plus encore ?

Lorsqu’on ne sait plus bien comment créer des ponts de compréhension, on éprouve quelque chose de la tristesse de Galilée, quand il cherchait à partager sa certitude que la terre tourne : des gens voyaient plutôt son imagination tourner.

Je vis ce défi de m’accueillir moi-même jusqu’à oser être vrai, quelle que soit la réaction de l’autre. Par contre, j’essaie d’être vigilant à laisser l’autre libre de capter ce qui lui convient, à me détacher du désir subtil de convaincre. J’accepte aussi plus qu’avant le risque d’être étiqueté d’ésotérique ou de flyé — ça me demande de me rappeler la valeur de ce qui m’anime, et qui par moments me fait danser en dedans.

Mais ça ne se fait pas tout seul, tout de suite. Je me répète alors que l’autre, tout comme moi, a choisi son chemin d’exploration de la vie : il ne sera jamais exactement le mien. Je creuse plus creux, pour consolider mes appuis — essentiellement mes propres communions intérieures avec la Source créatrice ou avec mes Guides.

Enfin, j’accorde plus d’importance qu’avant à me rapprocher de gens qui ont des soifs semblables aux miennes : je reconnais avoir besoin d me sentir une appartenance avec d’autres chercheurs de vérité.
Quand cette connexion se produit, même de courte durée, j’y trouve un réconfort qui me récompense d’avoir tenu bon à respecter mes soifs de sens, et ma soif de me relier à d’autres sur ce parcours. Ça devient comme un instant sacré, qui n’a pas de prix.

Denis Breton

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(1) Il nous offre le site Golden Age of Gaia, un réservoir d’enseignements lumineux au rayon spiritualité alternative.

5 réflexions au sujet de “Témoigner de notre expérience, quand on parle de l’invisible

  1. Merci pour cette belle méditation.

    On ne peut tout partager de ses intimités, sauf comme tu dis à des oreilles qui peuvent entendre. Elles ont la voie du silence.

  2. En effet ce sont des instants bénis ceux où on peut parler à cœur ouvert de nos croyances profondes. L’univers n’est pas sorti de rien et il y un monde invisible qui le soutient. En parler, c’est aller boire de l’eau fraiche à la source. Et pour en parler, il n’y pas d’autre moyen que d’utiliser les mots que nous connaissons et qui décrivent le monde visible.

  3. Ce que tu écris peut allumer des souvenirs en moi, des moments forts…

    Pourtant, je me bute toujours sur ces expressions qui me heurtent dans mon expérience réelle : chercheur de sens, chercheur de soi, chercheur de Dieu…
    Pour moi, c’est le mot “chrétien” qui définit le marcheur que je suis… et le but qui me propulse en avant…
    Je refuse une définition qui soit trop restrictive pour remplacer ‘chercheur de sens’ : oui, j’aime bien ‘marcheur d’espérance’, escaladeur de sainteté, routier vers la lumière…

    Bien sûr nous n’avons jamais fini de trouver ce qui nous dépasse, ce qui nous construit et nous forme, ce qui nous transcende. Pourtant arrive un temps où nous avons fini de chercher comme des aveugles, dans le noir, ne sachant rien, dans un lieu inconnu avec des personnes inconnues.
    J’ai trouvé et je donne un sens à ma vie depuis longtemps, même si je suis en chemin vers l’endroit où cela me conduit mais la direction est fixée.
    J’ai trouvé l’important de ce qui définit [ celui que je suis ], même si des échos ancestraux surgissent encore qui ne m’étaient pas connus, des coins d’inconscience, des points inachevés pour mieux me réaliser selon le projet divin.
    J’ai aussi trouvé mon Dieu, c’est Jésus Ressuscité et son Esprit et sa propre Source qui est en Lui.

    Alors oui, bien sûr, je creuse mes trouvailles de sens, mes trouvailles de moi, mes trouvailles de Dieu en fréquentant ces trois réalités et en m’y engloutissant même ! Je suis tout tendu vers un avenir déjà entrevu, présenté et désiré.
    Sans doute suis-je un marcheur vivant dans l’espérance que ce que j’ai trouvé correspond au meilleur pour moi, pour la vie et pour les autres que je fréquente, dont Dieu. Ma recherche est plus qu’orientée, elle est déjà en partie satisfaite, sinon je régresserais !!!
    Voilà ce matin comment ton texte me fait réagir… en partie !

    1. Je vois l’expression ‘quête de sens’ comme celle de ‘croque-lumière’, que j’ai utilisée pour qualifier le blog.
      C’est pour parler de cette soif d’en comprendre toujours plus de la Vie, et de communier toujours plus avec sa Source et ses êtres – dont je fais partie, je crois.

      Je pense que c’est aussi pour rejoindre le plus de gens possible, car on peut arriver au ‘sens’ par bien des portes: sa propre expérience de vie, la science, la religion, la spiritualité, l’intuition, l’enseignement,…
      Et toutes ces portes ne peuvent que nous conduire à la même vérité de la Vie, qui est Une.

  4. Merci pour ton partage. C’est toujours bon le goûter la vie du dedans et d’accueillir le mouvement du coeur, du sien et de l’autre… et surtout du Tout-Autre.

    Note de l’éditeur de Croque-lumière :

    J’ai demandé à la personne ce qu’elle entendait en parlant du ‘Tout-Autre’.
    J’aurais du mal à garder sa réponse pour moi tout seul : je vous la partage:

    « Oui, je dois dire que je ne m’enferme pas dans les termes. Je comprends très bien ta question. Il est si proche de nous, que nous sommes en lui et qu’il demeure en nous.

    Je n’aime pas trop enfermer Dieu dans nos mots. Par l’expression Tout-Autre, je fais simplement dire qu’il y a pour moi tant à découvrir sur lui. Ce n’est pas tant sa grandeur ou sa toute puissance qui me touche mais bien son humilité, son humanité en Jésus, sa capacité à venir rejoindre le plus petit et le plus pauvre, le plus beau et le plus grand en moi. Dieu est surprenant. Il est tellement différent de tout ce que nous pouvons imaginer de lui. Il dépasse toutes nos images, tous nos symboles, toutes nos expériences. Il est Amour. Rien qu’Amour. Et plus je m’approche de l’Amour, plus le désir de lui ressembler grandit… plus je découvre que l’Amour est grand ! Tellement grand que je ne peux pas en faire le tour ! C’est le projet de ma vie. Aimer et me laisser aimer. Pour moi, le Tout-Autre est le Tout-Amour.

    J’ai aimé lire un jour les paroles d’un théologien protestant qui disait que la croix et la crèche sont taillés dans le même bois ne sont pas le symbole de la toute-puissance de Dieu mais de son amour qui dépasse tout ce que l’on pourrait imaginer de lui. C’est tout le contraire de lui en haut et moi en bas. C’est nous dans le même bateau depuis qu’il a déchiré les cieux ( selon la belle expression du prophète ) et qu’il s’est penché sur le berceau de notre humanité. »

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