Trouver la longueur d’onde de l’autre

«La beauté, c’est dans le collage d’humanité,
de la laideur, des cris, de l’absurdité»

Ariane Boulet

Voici une anecdote étonnante — et plutôt réconfortante — à propos d’un événement survenu dans un centre d’hébergement pour aînés en perte d’autonomie.
Pareille expérience traduit un changement de mentalité considérable, qui me paraît gagner de plus en plus de gens autour de nous.

On doit ce témoignage à Josée Blanchette, du journal Le Devoir, à propos d’une artiste de 34 ans, Ariane Boulet, qui a déjà à son acquis six ans de danse auprès de personnes atteintes de démence à divers degrés.

→  «Nous avons mimé son cri…»

La journaliste raconte : «Ariane me relate l’histoire de cette vieille dame qui criait depuis trois jours dans l’aile consacrée aux patients atteints d’alzheimer. ”Nous avons mimé le cri et trouvé la note avec l’instrument de musique. Nous l’avons accompagnée durant 20 minutes. Après, elle n’a plus crié. C’était terminé.”

La journaliste ajoute : «Cette femme a peut-être été reconnue dans sa douleur, allez savoir. Chose certaine, on aurait fini par l’assommer de médicaments pour la faire taire. La gang d’Ariane a trouvé le fil d’Ariane jusqu’à elle.» (1)

L’Humanité au rendez-vous d’un grand nettoyage

Beaucoup de gens déplorent que les réseaux sociaux deviennent souvent des arènes de lutte. Heureusement s’intensifie aussi, sur ces plateformes, la diffusion de façons créatives de se relier.

Pour un temps encore il nous faudra vivre au milieu de grands contrastes, nécessaires à ce grand nettoyage dont l’Humanité s’est donné le rendez-vous… Le jour où nous aurons l’attitude de nous dire «…ah! cette personne a choisi d’explorer une autre facette de la vie que moi…», nous verrons alors des changements significatifs — et c’est déjà bien commencé, si on prend la peine d’observer. Notre expérience collective dans le sillon du coronavirus nous en a fourni de splendides exemples.

La croyance dans l’efficacité d’attaquer l’autre pour le changer est persistante pour un temps encore. Si des gens qui se soulagent de leur colère en ‘bitchant’ l’autre en croyant arriver à le changer — ce qui ne risque pas de se produire lorsqu’on le dévalorise publiquement; et s’ils savaient à quel point ils se privent d’un plaisir beaucoup plus profond lorsqu’ils confrontent l’autre plutôt que de chercher à le comprendre, le ton des échanges sur les réseaux sociaux changerait du tout au tout.

Le principe actif d’un être humain : le même que celui de la vitamine C

Revenons à cet événement vécu avec la dame atteinte d’alzheimer : qu’a-t-il bien pu se passer pour qu’elle s’apaise,  jusqu’à sortir de sa défensive?…
«…Nous avons mimé le cri…» raconte Ariane «…et trouvé la note avec l’instrument de musique».
Pour avoir eu pareille intuition, je me dis qu’il lui fallait avoir développé de longue haleine une conviction : qu’aider une personne à changer son comportement, c’est d’abord de créer avec elle une relation, trouver au préalable sa longueur d’onde.

J’aime bien aussi cette anecdote, qui me parle de ponts à créer entre les sciences du comportement et notre quête de sens spirituel. Ce qui me fait repenser à une phrase qu’on attribue à Mère Teresa et qui m’est plus d’une fois revenue: «Le temps que je mets à juger les gens, je ne l’ai plus à les aimer».

Denis Breton

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(1) Source :  Josée Blanchette, chronique Zeitgeist, De la pointe des pieds jusqu’au fond de la joie, Le Devoir 2020-07-10.

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