Etty Hillesum : à force d’être

« …Opposer à cette grisaille quelque chose de rayonnant et de fort qui soit la promesse d’un recommencement… »

Connaissez-vous le parcours d’Etty Hillesum ? C’est l’histoire authentique d’un lever de soleil humain bouleversant, dans une nuit humaine déchirée.

Quand les Pays-Bas découvrent cette jeune Juive de 29 ans par son journal intime (1), voilà 40 ans déjà qu’elle a terminé sa route au camp d’extermination d’Auschwitz en Pologne. C’était de son plein gré : elle avait choisi d’en accompagner d’autres. « Le succès de ce journal fut foudroyant » nous dit-on en introduction du livre qu’on en a tiré : « Etty Hillesum, une vie bouleversée ».
À peine le livre ouvert, j’ai été ravi, puis secoué jusqu’à l’os, difficilement capable de le refermer. Attendez-vous à ce que Croque-lumière vous en parle encore…

« Ave verum corpus » de Mozart

Après pareille lecture, j’ai eu besoin d’entrer dans un grand silence intérieur… Je vous partage la pièce musicale que j’ai trouvée pour m’accompagner : juste ce dont j’avais besoin… Elle rend compte de la soif d’Etty d’oser réunir la beauté et la douleur en un même chant de sa vie.

→ Peut-être aimerez-vous ré-écouter ce chef d’œuvre de chant choral, sinon le découvrir …juste pour sa beauté sacrée, ou quand vous aurez besoin comme moi aujourd’hui de faire sortir un trop plein d’émotion…

Je vous reviendrai brièvement ensuite sur ce que m’a fait mon premier contact avec Etty Hillesum. Voici donc le motet Ave Verum Corpus K. 618 de Mozart :

 

Ma réaction spontanée à lire ce journal d’une vie

Si vous avez une certaine familiarité avec Croque-lumière, le site vous a parlé sous plusieurs angles d’une recherche pour mieux comprendre  la vie. Mais moins souvent d’une recherche pour communier aux Forces de la vie, où comprendre n’est à la limite plus nécessaire  — comme en amour.

En fermant le journal « Etty Hillsum, une vie bouleversée », j’avais retrouvé ce qui m’a séduit, mais aussi déstabilisé chez des gens qui, comme elle, sont allés plus loin que loin à trouver leur lumière au milieu de la souffrance : il y avait eu bien sûr un certain Jésus de Nazareth, mais aussi des acteurs des camps de la mort comme Anne Frank, comme les compagnons de Gitta Mallasz découverts dans le magnifique Dialogue avec l’Ange …et aujourd’hui Etty Hillesum.

Tout d’un coup, j’ai eu envie de sabrer à grands coups dans les brassages de concepts, les théories, les morales… ne conserver de tout ça que ce qui arrive à imprégner un vécu, illuminer une expérience de chair et d’os : nos corps-à-coeur avec la vérité, le doute ou la solitude, la douleur… Ne garder que ce qu’on peut transfigurer en amours, en services, en communions intérieures. Ça oui, parce que tout y devient relié. C’est à ça qu’Etty Hillesum me connectait de plus belle.

Pour que le monde sache…

Dans son journal, Etty n’écrivait-elle que pour se comprendre elle-même ?
Au début peut-être. À mesure que se resserrait l’étau allemand sur les Pays-bas, on avait interdit aux Juifs d’utiliser les transports en commun. Elle raconte que, malgré les ampoules aux pieds dus à une marche exténuante, elle a fait un détour à la recherche d’une charrette de fleuriste ! Elle tenait à ramener chez elle un grand bouquet de roses. On le lui a reproché : autour d’elles tant de gens étaient figés par l’angoisse. Mais elle avait décidé de laisser jusqu’à la fin le soleil entrer par sa fenêtre du cœur.

Pas étonnant qu’elle se surprenne, si souvent au long de son journal, à trouver  encore la vie belle et la force intérieure de pardonner. On sent qu’elle est gagnée par le désir de tenir bon le plus longtemps possible, pour  témoigner de ce que la vie lui a appris dans cette école d’être, je dirais, en formation accélérée.

Si bien qu’un an avant d’être internée dans au camp de transition de Westerbork — qui n’était qu’une halte avant de partir pour Auschwitz — elle écrit « Je suis de taille à affronter notre époque, je la comprends même un peu. Si j’y survis et que je dise encore: la vie est belle et pleine de sens, on pourra me croire sur parole. »

miroir opaqueEtty nous ramène à nous-même

L’Internet vous en dira beaucoup sur elle — notamment on trouve de nombreux vidéos sur Youtube. Si vous êtes comme moi, la lecture de son journal aura tôt fait de vous ramener à des soifs que vous avez en commun avec elle, mais peut-être aussi à quelques blessures  non encore cicatrisées.

N’ayez pas peur de ce que vous allez y trouver; de grâce, avancez… Nos soifs de fond et nos vérités douloureuses sont deux portes d’une même maison où oser entrer.
Etty semble la connaître, quand elle écrit : « Il me faut partir. Traverser une multitude de galeries souterraines étroites et sombres avant de parvenir brusquement à l’air libre et à la lumière. »
N’est-ce pas ce que des gens racontent au retour d’une expérience de mort imminente ?…

À un préposé du camp de transition haineux et brutal :
« C’est la seule solution, vraiment la seule, Klass, je ne vois pas d’autre issue :
que chacun de nous fasse un retour sur lui-même et extirpe et anéantisse en lui tout ce qu’il croit devoir anéantir chez les autres.
Et soyons bien convaincus que le moindre atome de haine que nous ajoutons à ce monde nous le rend plus inhospitalier qu’il n’est déjà. »

Etty, tu m’as confirmé par ton vécu, tes extases aussi bien que tes pieds écorchés, ce que les plus beaux enseignements spirituels ont pu m’apprendre sur la vie. Eux sont passés par ma tête. Aujourd’hui, tu réveilles des certitudes auxquelles seul mon cœur a accès. Comment ne pas te dire merci…

Denis Breton

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(1) Etty Hillesum, Une vie bouleversée (traduit du hollandais), Éditions du Seuil,1988.

Ω

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