L’appropriation culturelle : un droit artistique ?…

SLAV, puis Kanata :
un même signe des temps?…

L’émotion est montée de part et d’autre chez les artisans de théâtre qui ont produit SLAV ou Kanata, et au sein des communautés culturelles concernées. J’ai apprécié plus d’une fois le respect qui se dégageait de certains propos rapportés par la presse. J’ai entendu la douleur aussi, exprimée de part et d’autre. 

Quel est donc l’enjeu central ?…

À propos de Kanata, le directeur du Théâtre autochtone du Centre national des arts a résumé par une phrase bon nombre de critiques: « C’est une histoire qui parle de relations avec les Autochtones. Pourquoi la faire sans eux ? »  (Recueilli par Jérôme Delgado, Le Devoir)

Des reproches devenus acerbes ont réussi à jeter par terre ces deux projets artistiques: c’est bien dommage. On aurait pu en faire l’expérience jusqu’au bout, puis justement s’en servir pour amener nos dialogues plus loin… C’était tout à fait l’esprit de Robert Lepage, leur principal concepteur. 

Il me semble que la douleur ne doit pas empêcher l’expression des vérités de l’histoire; cette expression pourrait justement aider à dissoudre ce qui fait mal encore, comme on nettoie une plaie, évitant qu’elle devienne un abcès. Notre rendez-vous d’aujourd’hui, collectivement, n’est pas de reformuler l’histoire pour nous donner bonne conscience, mais de pardonner des époques chargées en blessures de toute sorte en nous attelant concrètement aujourd’hui à changer les conditions socio-politiques qui les font perdurer.

Mais j’y lis un signe des temps. Je ne sais pas à quel point ceux qui ont taxé les pièces d’appropriation culturelle, ou ceux qui ont dénoncé la censure à l’égard de l’expression artistique, à quel point ils étaient conscients d’une vague de fond qui se dessine derrière nos réactions —  comme l’a été récemment le mouvement #MeToo qui n’a pas fini de faire tache d’huile…

Quelle vague de fond?..
J’y vois plus que jamais la soif — aussi bien des communautés humaines que des personnes — de nommer qui elles sont, d’oser le reconnaître, et d’oser l’affirmer en transparence. Bref, nous observons une montée de conscience.
Ça me semble un désir de faire planète autrement, de forger une planète-pour-tous, même si ça tâtonne encore pour se dire — pareil au coup de gueule de l’adolescent qui crie pour oser s’affirmer. Oui, une vague qui ne fait que commencer à se soulever: attachons nos tuques, ça va venter…

…Mais ça sent bon, si nous savons le mettre à profit. La douleur des communautés concernées tout comme la colère des artistes n’auront pas été vaines si nous savons reconnaître que l’heure est venue de dépasser nos dualités pour monter plus haut et créer ensemble, justement à partir de nos différences. 

Les communautés ‘pures’ existent de moins en moins. On sait aujourd’hui que la consanguinité qui en a résulté «ne fait pas des enfants forts», pour reprendre une vieille expression québécoise. Si les Métis ont enfin obtenu au Canada leur reconnaissance, nous avons peut-être le rendez-vous de métisser plus que jamais notre théâtre, nos appartenances, nos décisions politiques… Robert Lepage en est conscient, il a fait plein de pas créatifs déjà pour  justifier qu’on lui fasse confiance…
 
J’ai partagé plus largement mon point de vue sur l’aspect interculturel de ces deux événements dans le blog du site Cultures au coeur :  à propos de Kanata, à propos de SLAV.

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